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 L'agriculture bio-dynamique 
ou l'art de soigner la terre
 

Depuis 70 ans, l'agriculture bio-dynamique ouvre la voie à un autre rapport omme-nature. Loin de se limiter à une simple méthode agricole, elle propose une approche globale et différente des soins à apporter à la terre. En regard de cela, sa démarche spirituelle peut sembler surprenante et difficile d'abord. Elle l'est parfois. Mais elle ouvre aussi sur une compréhension plus profonde de la vie qui nous entoure et de notre place dans le cosmos. 

L'homme a besoin d'un nouveau contact avec la nature. Cette réalité, nous sommes de plus en plus nombreux à la percevoir. Des mouvements de pensée comme l'écologie, l'agriculture biologique, les médecines naturelles sont dans le fil de cette évolution. C'est aussi le cas de la bio-dynamie qui partage avec l'agriculture biologique de nombreuses idées et objectifs communs, telle la volonté de produire une alimentation saine, mais qui se veut aussi différente. Cette différence, les bio-dynamistes la revendiquent clairement, dans un "jusquauboutisme" qui peut 
agacer certes, si l'on se contente de survoler ce qu'ils disent. Car l'essence même de la bio-dynamie est autre. Aux notions de quantités et de qualités mesurables des phénomènes du vivant (une plante, un animal, un produit fini), elle ajoute une dimension supra-sensible. Ainsi en agriculture bio-dynamique la plante n'est-elle pas que l'aboutissement d'un simple processus biologique : apports d'engrais, d'eau... La plante existe d'abord en tant que modèle purement suprasensible, l'archétype, une plante en devenir qui, sous l'action des forces de vie, va "s'incarner" pour former la plante réelle. Le but de la bio-dynamie sera autant d'agir sur l'une que sur l'autre. 
Mais pour cela, il faut aller au-delà de la substance pour arriver à "libérer l'esprit de la matière". Tel sera le rôle du compost et des préparations bio-dynamiques par exemple (voir plus loin). 
 

            Une démarche intérieure
 
Par cette approche même, l'agriculture bio-dynamique laisse de fait une grande place à l'observation, à l'intuition, au ressenti et peut même s'accompagner d'une véritable démarche intérieure. 

S'inspirant de Goethe, philosophe allemand, elle nous amène à revaloriser notre sens de l'observation. Face à une plante par exemple, un bio-dynamiste observera en détail sa forme, celle de ses feuilles, ses couleurs à différents moments de la journée ou de l'année, il comparera les différents individus entre eux. Il pourra faire de même en observant les signes du ciel, les nuages, le cycle des saisons, le pas d'un animal. Cette démarche, disent les bio-dynamistes, amène petit à petit à une forme de compréhension intuitive des choses, susceptible de déboucher sur le "geste juste au juste moment". 

                                             Une image déformée 

Une telle démarche, même si elle n'est pas absolument nécessaire à la pratique en amateur de la biodynamie, est évidemment contraire à nos habitudes de pensée. Elle explique les difficultés que rencontre encore la bio-dynamie pour se propager et se faire reconnaître. Mais cette difficulté trouve aussi son explication dans l'attitude parfois un peu extrême, pour ne pas dire sectaire, qu'ont prise par le passé certains biodynamistes, heureusement minoritaires. Une image qui lui colle toujours, mais qui est loin d'être méritée. 
 
                     Mieux comprendre l'agriculture bio-dynamique 
                                                  Vivifier le sol 

Dans les sous-bois, c'est l'humus, issu de la décomposition des matières vivantes, qui assure la fécondité du sol.  Plutôt que d'utiliser des artifices chimiques, l'agriculture bio-dynamique préfère donc imiter le travail de la nature en créant un compost pour augmenter la teneur en humus des terres cultivées. Mais le compost seul ne suffit pas à vivifier le sol. Les bio-dynamistes considèrent en effet que la terre est aujourd'hui trop affaiblie pour se régénérer sans l'aide de l'homme. Aussi est-il nécessaire de lui redonner cette vitalité en s'aidant de préparations bio-dynamiques composées de plantes médicinales (prêle, ortie, achilée millefeuille, ... ), mais aussi de quartz 
(silice), de bouse de vache. Chacune a sa raison d'être, leur but commun étant d'aider la terre à mieux se relier au cosmos. Leur usage dans le compost ou sur la plante, en doses presque infinitésimales (*), rappelle curieusement l'homéopathie, voir l'alchimie. Certaines sont d'ailleurs préalablement dynamisées. A la question, Comment des 
doses si faibles peuvent-elles avoir une action ?, il n'y a pas pour l'instant de réponse scientifique. Mais il fautbien admettre que ces préparations agissent. 

                                          L'organisme agricole 

Un aspect important de l'agriculture bio-dynamique repose sur la notion d'organisme agricole.  L'image type d'une ferme bio-dynamique est celle d'un domaine en polyculture-élevage où s'interpénètrent, dans un équilibre le plus complet possible, tous les éléments de la nature. Ainsi, cultures et prairies permettent-elles de nourrir bétail, volailles et cochons dont les excréments, en retour, serviront à nourrir la terre, sans que l'un ne prenne le pas sur l'autre. Les zones boisées, quand il y en a, les haies, zones humides... sont respectées car elles donnent leurs caractéristiques au lieu et ont un rôle à jouer dans l'équilibre de la flore, de la faune (parasites et prédateurs). 
L'homme n'est pas oublié dans cet organisme agricole, au contraire. 'il est celui qui crée les relations entre tous les règnes par son activité agricole et celui qui "individualise"progressivement son domaine. Sa tâche, difficile et longue, sera de choisir les espèces végétales et animales en harmonie avec le terroir de manière à les faire évoluer vers un équilibre adapté à sa ferme, son environnement, et ses propres dispositions. 
 
                                Cultiver avec la lune et les étoiles 

 La démarche bio-dynamique ne s'arrête pas à coordonner la vie sur la ferme. Elle tente aussi de faire se relier le sol et le ciel. Steiner en effet avait mis l'accent sur les rythmes qui régissent toute vie sur notre terre. Cycles du jour et de la nuit, mensuels, des saisons... mais aussi rythmes cosmiques, liés au mouvement des planètes et des 
étoiles. Ce lien avec le cosmos tient une grande part en culture bio-dynamique qui s'y montre particulièrement attentive. Plantes, fleurs, fruits seraient ainsi en relation avec des constellations et des moments particuliers de l'année plus ou moins propices à la plantation, la récolte de telle ou telle espèce. Une telle démarche est difficile à 
croire pour certains, mais elle se vérifierait souvent dans la pratique quotidienne de nombreux jardiniers. 

(*) La valeur d'une à une demi cuiller à café pour 5m3 de compost ! 
 

                                  La biodynamie dans le monde 
                                                Allemagne 

Historiquement, les bases de la biodynamie ont été jetées en Silésie (aujourd'hui Pologne). Dès les années 30, cette agriculture va se développer assez rapidement sur de grands domaines.  Interdite durant la deuxième guerre, elle reprendra  rogressivement pour atteindre un développement important aujourd'hui. 

En 1995, le nombre de domaines sous contrat Demeter était de 1199, totalisant une surface de 27960 ha.  La Biodynamie en Allemagne, c'est aussi une série 'organisations anciennes et très bien structurées comme la Forschungsring für Bio1ogisch-Dynamische Wirtschaftsweise, une association créée en 1946, groupant 
agriculteurs, scientifiques et conseillers. Les travaux de son Institut de recherche, menés parfois en collaboration avec des universités, ont largement contribué à faire reconnaître la méthode bio-dynamique en Allemagne. Par ailleurs, des associations de consommateurs de produits Demeter, soutenant le travail de l'organisation, se sont 
constituées dans de nombreuses villes d'Allemagne. 
 
                                                       Belgique 

Ce pays ne compte qu'une petite vingtaine de producteurs. Une faiblesse numérique qui explique en partie l'absence de toute union professionnelle bio-dynamique. Jusqu'il y a peu, les jardiniers amateurs pouvaient compter sur l'existence du Cercle de culture BD St Martin de Tours. Très actif par le passé, celui-ci est aujourd'hui moribond. En réaction, un Groupe régional de bio-dynamie en Wallonie s'est constitué en juillet 96. Ses moyens et le nombre de ses membressont peu élevés, mais des activités variées (conférences, séances d'observation de la nature, séminaires pratiques... ) sont régulièrement organisées. 

Contact : Jacques Stellamans, Chemin Mourdreux, 29 B-7000 Mons. Tél.: 
00.32(0)65.36.40.87 
 
                                                       France 

Le véritable démarrage de fermes en BD est encore assez récent en France (début des années 70), mais la croissance est plus rapide ces dernières années. 

Trois organisations distinctes existent. 

- Le Mouvement de culture biodynamique : regroupe l'ensemble des personnes intéressées par cette agriculture (producteurs, transformateurs, consommateurs). Organisé sous forme de groupes régionaux, il publie la revue Biodynamis, qui paraît tous les trimestres et s'adresse à un public assez large. On y trouve aussi l'agenda des 
différentes activités élaborées par les locales. 
- Le Syndicat d'agriculture biodynamique : regroupe les producteurs. Il est chargé d'élaborer les cahiers des 
charges des marques Demeter et Biodyn (reconversion), et d'assurer le conseil aux producteurs. 
- L'association Demeter : attribue après examen, la marque Demeter aux transformateurs et distributeurs de 
produits issus de l'agriculture bio-dynamique. En 1995, le nombre de titulaires de la marque Demeter et Biodyn était de 192, totalisant 5987 ha, mais d'autres producteurs appliquent la biodynamie sans avoir la mention. 

Contact : Mouvement de culture bio-dynamique, 5 place de la Gare F-68000 Colmar. Tél.: 00.33(0)3.89.24.36.41 
 
                                                   Australie 

Ce pays est un cas un peu à part. La BD y a démarré après guerre sous l'impulsion énergique d'un seul homme, Alex Podolsky. D'origine ukrainienne, il a rassemblé sous la bannière bio-dynamique presque tout ce que le continent comptait de réfractaires à l'agriculture conventionnelle. Voici pourquoi la bio-dynamie est plus que majoritaire en Australie, à l'inverse de ce qui se passe partout ailleurs. En 1995, ce pays comptait 750 producteurs sous mention,  totalisant... 604750 ha ! 
 
                                                 Et ailleurs ? 

L'agriculture bio-dynamique s'est particulièrement développée dans les pays germaniques et scandinaves. 
Mentionnons la Suisse (136 producteurs-1262 ha), où le développement de la BD remonte aux années 30; la Suède (147-2950 ha), qui a connu fin des années 80, un doublement du nombre d'agriculteurs bio-dynamistes suite au versement par l'état d'aides substantielles à la reconversion. N'oublions pas la Hollande (2204.500 ha), un petit pays où l'agriculture bio-dynamique occupe une place importante et où un label commun a été créé en collaboration avec l'agriculture biologique. Enfin, la BD est encore présente dans de nombreux pays du monde : Egypte, Togo, USA, NouvelleZélande, Italie, Finlande... 

Rudolf Steiner, fondateur de la bio-dynamie 

C'est en 1924, à la demande d'un groupe d'agriculteurs s'inquiétant, déjà, de la perte de fertilité de leur sols, que Rudolf Steiner jeta les bases de ce qui allait devenir la méthode bio-dynamique.  Né en Autriche, en 1861, passionné de philosophie, Steiner fut fortement influencé par Goethe, homme de lettres mais aussi scientifique et 
créateur d'une méthode empirique d'observation de la nature. Membre un temps de la Société théosophique, où il fut initié à la spiritualité orientale, Steiner finit par fonder son propre courant de pensée, l'anthroposophie, qui vise à mener l'homme au bien en développant ses capacités intellectuelles et spirituelles. Mais la pensée de Steiner 
s'exerca aussi dans le domaine social, médical, pédagogique (Ecoles Steiner), et même architectural puisqu'on lui doit les plans du Goetheanum, institut de la "science spirituelle", un des plus beaux exemples de l'architecture expressionniste. Il mourut à Dornach (Suisse), en 1925. 

Source: 
Nature et Progrès No 10 - mars-avril 1998 

 
 
 
 
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